Un colloque pluridisciplinaire sur « L’institutionnalisation du syndicalisme : de quoi parle-t-on ? (France, 1945-2007) » été organisé les 16 au 17 novembre 2017, à l’université de Lyon, par l'Institut d'Histoire confédéral de la CGT.
Plusieurs séances se sont déroulées
- L’institutionnalisation, une notion à définir : perspectives historiques et sociologiques
- Des outils pour la conquête de droits ?
- Jeux d’échelles, lieux et niveaux de pouvoir
- Les usages syndicaux des institutions : Formes d’intégration et d’exclusion et pratiques et trajectoires
Pour l'IHS CGT FAPT, Patrick Bourgeois est intervenu sur « La participation CGT aux réunions institutionnelles préparant le budget des PTT au cours des Trente Glorieuses : l’exemple du Conseil supérieur des PTT »
Toute l’histoire des PTT se joue sur une double nature : Administration d’Etat et en même temps Administration à caractère industriel et commercial ; avec ce dilemme qui est de répondre aux besoins ou seulement collecter des recettes !
Cette caractéristique pèse dans les relations avec les différents corps de l’Etat : le Pouvoir politique ; la Fonction publique ; l’Administration des PTT et ses différentes directions. Les PTT sont une entreprise de main-d’œuvre, les 2/3 du personnel se situent dans les petites et moyennes rémunérations (1).
L’implantation syndicale et les traditions de luttes sont très présentes dans la corporation.
Le budget annexe est un marqueur dans l’activité de la Fédération, car il impacte de manière concrète le quotidien du personnel des PTT sur ses conditions de travail, sur sa qualité de vie et sur l’évolution de sa carrière. Il en est de même pour les usagers dont les conditions d’accès au service public PTT sont aussi dépendantes des décisions budgétaires. La profession a cette spécificité d’être très diverse, composée de multiples catégories à l’identité
forte, exerçant dans trois grands domaines d’activité : la poste, les télécommunications et les services financiers. Son personnel est rattaché au statut de la Fonction publique, (traitement, recrutement, grilles indiciaires...).
A partir de 1945, la Fédération Cgt des PTT est structurée autour de syndicats départementaux uniques avec des sections syndicales, de commissions et de collectifs propres à chaque catégorie.
Cette organisation permet de déployer une activité de masse et diversifiée favorisant l’expression des revendications spécifiques et communes à la profession. Une pratique syndicale qui se prolonge au-delà de la période décrite (1945/1975).
Le budget des PTT a toujours été un enjeu hautement politique. C’est donc à ce niveau que se posent les rapports entre la Fédération CGT des PTT et les institutions étatiques.
Ce rendez-vous annuel du budget exigait au cours de l’année des luttes pour faire avancer pas à pas les revendications catégorielles et générales, et promouvoir le service public.
Tout au long des débats budgétaires, la Fédération s’attache à donner sens aux discussions à l’appui des revendications, à rendre compte au personnel, à organiser la lutte.
Elle réalise également un travail ‘’économique’’ (42) important dans la critique et dans les propositions, signe de son indépendance. Les représentants de la Fédération qui siègent dans les réunions institutionnelles travaillent en osmose avec la direction fédérale, d’autant que ses principaux dirigeants y participent (43).
Elle communique largement en interne et en externe, en amont et en aval des réunions dans ses différentes publications avec une expression ciblée et précise pour chacune des catégories et en direction des cadres.
Dans la période d’après-guerre, la position fédérale dans les réunions du CSPTT s’appuie davantage sur l’argumentation de ses propositions que sur des luttes de masse, alors que la CGT est engagée avec le personnel dans l’effort de reconstruction. La division syndicale, née de la scission de la CGT pèse lourdement dans la Fédération qui y voit des obstacles supplémentaires pour faire avancer les revendications.
Ce qui explique sa bataille sans relâche pour l’unité, y compris dans les discussions budgétaires malgré les difficultés rencontrées avec FO, les tentatives des ministres de ‘’ museler ‘’ la CGT et par une féroce répression suite à la grève de Novembre-Décembre 1947.
C’est surtout à partir du début des années 50, et notamment à la suite de la grève de 1953 que la Fédération priorise le terrain et les luttes, veille à ne pas se faire aspirer par ‘’ l’institutionnel ‘’, sans toutefois déserter les instances de concertation pour y porter les revendications.
On constate que c’est à la suite des grands mouvements comme 1953, 1968, 1974 que sont engrangés le plus d’acquis notamment sur les effectifs (mais pas seulement), même si ce n’est pas ressenti comme tel par tout le personnel.
Cependant, on remarque qu’en dehors de ces grandes luttes ou de celles qui se déroulent dans le cadre des budgets, des succès importants sont obtenus suite à des actions catégorielles ou de services à l’exemple de la bataille des techniciens qui gagnent leur ‘’ Statut ‘’.
Alors quel bilan tirer de la participation de la Fédération dans les organismes de concertation, notamment au CSPTT ?
Si l’on prend le domaine des effectifs, les résultats peuvent paraître mitigés.
Pour autant, ce sont bien à la fois la parole de la CGT et l’écho des luttes qui apportent des succès revendicatifs importants malgré les restrictions budgétaires. Et cette bagarre, il faut la mener de concert dans les réunions institutionnelles et sur le terrain des services, en prise directe et en toute transparence avec le personnel.
Au regard des travaux de recherche effectués, la démarche décrite est celle qui prévaut dans la Fédération CGT des PTT pendant cette période dite des ‘’ Trente glorieuses ‘’, avec des approches différentes liées au contexte du moment.
Il n’était pas le même à la Libération qu’après la scission ou encore à la fin des années 60. Mais il y a toujours eu une constante dans l’analyse et la position de la Fédération : celle de défendre en toutes circonstances les revendications, toutes les revendications du personnel : les particulières et les communes pour répondre aux diversités et à l’unité de la profession, aux besoins des usagers.
Lire la version intégrale de l'intervention de Patrick Bourgeois